Les jeunes désenchantés par la politique mais résolument engagés

Crédit AFP/Archives – By Thomas SAMSON

« On nous dit désengagés, dé-politisés, mais c’est juste que nous nous engageons différemment! »: Loïc Frohn, 19 ans, réfute les poncifs sur la jeunesse française, présumée désinvestie, égoïste, à l’approche du premier tour de l’élection présidentielle française.

Et les études lui donnent raison: si elle se défie de la politique, sa génération s’engage, autrement.

Loïc qui a grandi dans un quartier populaire en région parisienne est un de ces jeunes citoyens qui agit pour ses convictions. Par « envie de se battre pour l’égalité, la diversité et la solidarité », ce jeune homme à la silhouette fine et à l’énergie débordante s’est engagé après le lycée dans un service civique, un dispositif qui permet aux 16-25 ans de faire une mission d’intérêt général de six à douze mois, moyennant une petite indemnisation (577 euros nets). Il est devenu ensuite « ambassadeur » de ce service civique.

L’an dernier près de 100.000 jeunes ont effectué de telles missions, un chiffre qui a quasiment triplé en deux ans.

« On dit que nous ne sommes pas engagés peut-être à cause des taux de participation aux élections. Mais plutôt que d’aller voter pour des gens qui ne représentent pas forcément nos valeurs, on va nous-mêmes représenter nos valeurs à travers nos actions », explique Loïc.

En France, l’abstention touche deux tranches d’âge: les électeurs très âgés et les jeunes, déjà moins inscrits sur les listes électorales. En 2012, lors de la dernière présidentielle, près d’un inscrit sur 5 de moins de 25 ans n’a pas voté (19%, pour 13% d’abstention au total).

En mars, dans la tranche des 18-25 ans, un jeune sur deux prévoyait de ne pas aller voter à la présidentielle des 23 avril et 7 mai.

« La défiance envers le système politique est écrasante », souligne la sociologue Anne Muxel. La chercheuse a travaillé sur le volet France d’une vaste enquête européenne, « Generation What », selon laquelle « 87% n’ont pas confiance dans la politique et 99% pensent que les politiques sont plus ou moins corrompus ».

Mais « cela ne veut pas dire que les jeunes ne croient plus dans l’action politique » ou sont apathiques. Chez eux, « il y a une forte propension à la démocratie directe et à la protestation ». Et « 63% disent avoir confiance dans les organisations humanitaires », selon elle.

– ‘Une vraie conscience’ –

Les études corroborent: les jeunes Français sont de plus en plus présents dans le monde associatif.

Derrière l’Islande, ils sont même les plus régulièrement engagés dans le bénévolat en Europe, selon des chercheurs français qui citent l’enquête Eurofound 2012 sur la qualité de la vie.

En 2016, 35% donnaient du temps bénévolement, au moins de façon ponctuelle, à une organisation, contre 26% un an plus tôt.

Pour Anne Muxel les attentats de 2015 ont « clairement suscité une envie d’engagement, une mobilisation peut-être plus morale, en tout cas une prise de conscience, un certain retour du civisme ».

Pour autant, le désir d’engagement n’est « pas du tout nouveau »: selon elle, « les jeunes n’ont pas du tout déserté le terrain de l’action collective », descendant par exemple dans la rue pour ou contre des réformes.

A côté de l’engagement traditionnel — « aller voter, adhérer à un parti ou un syndicat »– il y a en effet « chez les jeunes d’autres formes d’engagement aujourd’hui », souligne Milena Lebreton-Chebouba, déléguée générale du Forum français de la jeunesse, fédérant une kyrielle d’associations.

Ces choix « alternatifs sont par exemple: créer sa propre association, un projet dans son quartier, dans l’économie sociale et solidaire… Et il y a un engagement qui se développe dans le numérique notamment. C’est aussi s’intéresser à la vie publique! »

« On a tendance à limiter au bénévolat. Mais un jeune qui décide sur son temps libre, en dehors de toutes structures, de faire des vidéos de vulgarisation, de tenir un blog sur la citoyenneté, c’est aussi de l’engagement ! » approuve Nicolas Bertrand, 26 ans, ex-bénévole d’une association d’aide à la presse écrite « jeune ».

Sans compter, les signatures de pétition, le boycottage de marques qui va à l’encontre de ses valeurs…

« Les jeunes ne sont peut-être plus dans l’engagement sacrificiel mais ont une vraie conscience », estime Nicolas.

Avec AFP

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