Présidentielle: contrôler toujours plus leur image, l’obsession des candidats

Crédit AFP – By BERTRAND LANGLOIS

Hormis leur photographe attitré, aucun photojournaliste n’a pu suivre Marine Le Pen sur son bateau de pêche jeudi, ni Emmanuel Macron dans son QG au soir du 1er tour.

Des cas qui se multiplient pendant cette campagne: plus les caméras et appareils photo sont nombreux à les encercler, plus les candidats veulent contrôler leur image, en privilégiant leurs propres photographes et cameramen. Le Front national va plus loin, en triant les médias qui le suivent.

« Le contrôle des images est un des objectifs de base des communicants. Ils fournissent aux télévisions celles qu’elles n’auraient pas les moyens d’avoir, comme les travellings de caméras qui surplombent les meetings », note Arnaud Mercier, spécialiste de communication politique.

« Quand un candidat leur fournit des images clé en mains, cela répond aussi aux contraintes économiques des chaînes qui manquent de moyens humains », ajoute-t-il. Résultat : pour les meetings, les chaînes diffusent presque toujours des images fournies par les candidats.

Un autre levier consiste à « parquer » les journalistes à certains endroits dans les meetings.

L’encadrement s’est considérablement renforcé ces dix dernières années, alors même que les médias audiovisuels sont de plus en plus nombreux.

« Le nombre de caméras augmente depuis une décennie sur les événements : multiplication du nombre de chaînes françaises et étrangères, captations (tournage, ndlr) pour les réseaux sociaux… Maintenant plusieurs dizaines de caméras se déplacent pour un candidat à la présidentielle », souligne Franck Louvrier, ex-responsable de la communication de Nicolas Sarkozy.

« Les communicants doivent organiser ce phénomène car sinon les journalistes isolent le candidat du contact qu’il souhaite avoir avec les Français. Cela crée même des tensions entre les journalistes, qui se battent pour la même image. On a donc créé des +pools+ » (un média est choisi pour distribuer ses images aux autres). Ensuite, les candidats ont organisé eux-mêmes les captations, ce qui a démarré dès 2007 sur les meetings de Nicolas Sarkozy, pour que les choses soient fluides », ajoute-t-il.

– Poulpe à la une –

« C’est une nécessité pratique », fait encore valoir Franck Louvrier. « L’espace n’est pas extensible. Quand on a un candidat qui visite une exploitation agricole ou une usine, impossible d’avoir plusieurs dizaines de caméras ».

Exemple: la visite mouvementée d’Emmanuel Macron mercredi sur le site Whirlpool d’Amiens, où il a fini par laisser la presse à distance et fait filmer sa rencontre avec les salariés par sa propre équipe.

Idem pour les photographes: « le candidat ne peut pas avoir 15 photographes dans sa loge avant son meeting. Donc soit il prend des photographes différents, soit il donne l’exclusivité, soit il choisit son propre photographe », poursuit Franck Louvrier.

Les médias acceptent de plus en plus souvent de diffuser les clichés « officiels » fournis par le photographe attitré du candidat: la Une de Paris Match cette semaine avec le couple Macron au soir du 1er tour provient de l’agence Bestimage de « Mimi » Marchand, amie du couple, qui a pris en main sa communication visuelle.

Les photos des Macron par Bestimage sont généralement signées du célèbre paparazzi Sébastien Valiela, celui qui avait photographié le premier Mazarine avec François Mitterrand et piégé François Hollande venu rencontrer Julie Gayet.

Pour la sortie en mer de Marine le Pen, les seules images disponibles étaient celles de son photographe maison, refusées par les agences mais pas par les journaux. Le Parisien affichait en Une vendredi un cliché de la candidate du FN avec un poulpe, tiré de son compte Twitter.

Le FN va jusqu’à trier les médias qui le suivent: ces derniers jours, l’agenda complet de Marine Le Pen n’était pas donné à tous. Et certains sont interdits de meetings, comme ceux de « Quotidien ».

Des pratiques qui ont poussé plus de 30 grands médias, dont l’AFP,à signer une pétition qui accuse le FN d' »entraver la liberté d’informer ».

Jean-Luc Mélenchon et son équipe, qui reprochaient aux médias de choisir délibérément des photos qui le montraient grimaçant ou agressif, utilisaient eux les réseaux sociaux pour des images plus positives.

Avec AFP

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