Présidentielle: une France urbaine et européenne, une autre rurale et eurosceptique

Crédit AFP – By Laurence SAUBADU, Simon MALFATTO

Un électorat urbain favorable à Emmanuel Macron, une France rurale et péri-urbaine acquise à Marine Le Pen: la carte du premier tour de la présidentielle fait apparaître de profondes disparités géographiques et sociologiques.

Cette élection hors normes a qualifié pour le second tour deux candidats se voulant, chacun à sa façon, « anti-système »: Emmanuel Macron, « ni de droite, ni de gauche », pro-européen, et Marine Le Pen, qui a porté le Front national jusqu’à un record de voix en capitalisant notamment sur les craintes face à la mondialisation.

– Lignes géographiques –

Les résultats dessinent une carte de France divisée selon un axe nord-ouest – sud-est, entre des régions qui ont majoritairement voté Emmanuel Macron après avoir souvent choisi le socialiste François Hollande en 2012, et des terres conquises par le Front national.

Un clivage « entre la France industrielle qui va mal », convoitée par le Front national depuis les années 1990, « alors que les régions de l’ouest sont des sociétés plus égalitaires, moins violentes, qui vont bien avec le projet de Macron », résume Jacques Lévy, géographe et professeur à l’école polytechnique de Lausanne.

Globalement, ce sont de grandes villes, Paris, Lyon, Bordeaux ou Toulouse, des régions comme l’Ile-de-France, l’Auvergne et Rhône-Alpes, ou encore la Bretagne qui ont porté leurs voix sur le candidat du mouvement En Marche!, incarnation à 39 ans d’un renouveau en politique.

Marine Le Pen a su convaincre dans les zones rurales, péri-urbaines ou les villes moyennes. Ses électeurs se concentrent davantage dans le nord-est et le sud-est, avec par exemple une nette avance dans les Hauts-de-France, à 31%, ou plus de 28% en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

– « Deux France » –

« La sociologie de Le Pen et de Macron sont des plus antinomiques », observe Jacques Lévy.

« Emmanuel Macron a été choisi notamment par les cadres, les professions intermédiaires, c’est le candidat qui a été le plus choisi par les personnes aisées », analyse Adelaïde Zulfikarpasic, directrice chez BVA Opinion.

« A l’inverse, Marine Le Pen a réalisé ses meilleurs scores parmi les catégories populaires, près d’un ouvrier sur deux a voté Le Pen », souligne-t-elle.

Jacques Lévy nuance cependant la notion de richesse, relevant dans le profil de l’électorat Macron « plus de capital culturel, des classes plus créatives, pas forcément plus riches, mais qui intègrent l’idée de changement, le monde extérieur comme une ressource ».

« On voit qu’on a presque deux France », résume Adélaïde Zulfikarpasic, en remarquant que « le vote Macron est un vote plus urbain, là où le vote Le Pen est plus un vote de la France périphérique ». « Emmanuel Macron a entraîné dans son sillage la France qui va bien, la France optimiste, Marine Le Pen a plutôt entraîné la France des laissez-pour-compte de la mondialisation ».

– Clivage sur l’Europe –

Dans plusieurs grandes villes, comme Marseille ou Lille, Marine Le Pen est devancée par le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, autre expression du vote protestataire.

Des signaux que devra entendre Emmanuel Macron, propulsé au rang de favori pour sa première confrontation avec des électeurs et dopé par de multiples appels à voter de tous horizons.

Pour Adelaïde Zulfikarpasic, « il y a un enjeu pour Emmanuel Macron: c’est important pour être un président bien élu et pas un président par défaut, qu’il parle davantage à l’ensemble des Français et à cette France qui a le sentiment d’avoir été un peu laissée sur le bord de la route, notamment à cause de l’Europe ».

Sur fond de Brexit et de vague eurosceptique, le thème de l’Europe s’est en effet invité en force dans la campagne, et porte à son paroxysme l’antagonisme entre les deux adversaires, Marine Le Pen voulant négocier à Bruxelles la sortie de l’euro et de l’espace Schengen.

Pour Jacques Lévy, il existe « beaucoup de ressemblances entre la carte du vote Le Pen et le vote du non au traité de Maastricht, et entre le vote Macron et le oui » des Français à ce traité lors du référendum de 1992.

« C’était la première fois que se manifestait une opposition géographique entre le centre des villes et la périphérie », semblable à celle apparue dimanche, souligne ce chercheur.

Avec AFP

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