Le vote des chasseurs, pas si facile à débusquer

Crédit AFP/Archives – By GUILLAUME SOUVANT

Malgré une forte captation du Front national ces dernières années, le vote chasseur, réservoir potentiel d’1,2 million de voix, reste difficile à débusquer pour les candidats à la présidentielle, tandis que ce monde de passionnés travaille à changer son image.

L’événement passa un peu inaperçu — occulté par l’annonce ce jour-là de la mise en examen de François Fillon — mais les candidats, ou leurs représentants, étaient invités le 14 mars à Paris à la puissante Fédération nationale des chasseurs (FNC). L’ancien Premier ministre fut le seul, avec Emmanuel Macron, à venir passer en personne le grand oral cynégétique.

Un gagnant, une consigne de vote? « Pas mon rôle », assure Willy Schraen, chef d’entreprise du Pas-de-Calais de 47 ans devenu en août président de la FNC. « J’ai transmis les éléments aux chasseurs de France, sur les interventions des candidats, en disant: à vous de vous positionner si vous souhaitez +voter chasse+, c’est-à-dire mettre votre passion en avant à travers votre vote ».

– Vote « pas homogène » –

Pas de consigne, mais des ressentis forts. Sur Benoît Hamon, allié aux écologistes, qui n’était pas représenté — « lui c’est clair, ne veut pas de nous, dont acte » –, sur Jean-Luc Mélenchon « allié aux communistes défenseurs historiques de la chasse populaire, mais lui-même bien loin de la chasse et de la ruralité ». Ou sur Marine Le Pen, « dont le positionnement pose problème, avec des gens pro-chasse auprès d’elle, mais aussi des +animalistes+, grands amis de Brigitte Bardot… ».

Y a-t-il un « vote chasse »? Moins visible en tous cas qu’aux beaux jours de CPNT (Chasse, Pêche, Nature et Traditions) dont le candidat Jean Saint-Josse recueillit 4,23% des voix à la présidentielle 2002, une chapelle qui rassemblait des fusils de droite comme de gauche. Sans candidat depuis 2007, le micro-parti de la ruralité s’est en 2012 associé aux Républicains et a nourri les propositions « chasse » du candidat Fillon. Mais il n’est qu' »une composante de la maison chasse », rappelle-t-on à la FNC.

En 2013, une étude approfondie de l’Ifop relevait que l’électorat chasseur n’était « pas homogène, loin s’en faut », mais « penche nettement plus à droite (54%) que le corps électoral français ». Et présente « un sur-vote très significatif en faveur de l’extrême droite »: Marine Le Pen avait en 2012 recueilli 25% chez les chasseurs, contre 18% globalement.

Willy Schraen avance que Marine Le Pen pourrait atteindre cette fois « jusqu’à 40% » chez les chasseurs. « Un vote rejet, de ras-le-bol », et non d’adhésion, affirme-t-il. Responsable? La chasse elle-même, coupable selon lui de s’être recroquevillée, laissant « un grand vide » dans lequel le FN s’est glissé. « On n’en serait pas là si les politiques avaient entendu depuis des années la voix que nous portions des territoires », dit en écho Eddie Puyjalon, président de CPNT.

– Chasseurs sachant se cacher-

« Trop longtemps, la stratégie de la chasse française a été +pour vivre heureux, vivons cachés+. Quelle erreur! On a tellement bien vécu cachés qu’au final on était incompris et rejetés par tous », peste Willy Schraen, résolu à communiquer sur « l’écologie de compétence, de terrain, de contact direct avec la nature » des chasseurs.

« Libérez-vous du quotidien. Rejoignez-nous! ». En février, sur les bus de Bordeaux, une campagne d’affiches de la Fédération de Gironde (43.000 adhérents, la première de France) invitait ainsi les citadins à s’évader et passer le permis de chasse avec une formule « zéro euro ». La chasse qui sort du bois?

« On fait rentrer la chasse dans la ville », explique la fédération, convaincue que l’image des chasseurs est en train de changer. Etudes scientifiques, entretien des zones humides, « il y a une prise de conscience de ce qu’on sait, de ce qu’on fait. On est devenu légitimes sur un environnement quotidien de bon sens, pas de +mise sous cloche+ », pose Henri Sabarot, patron des chasseurs girondins.

Ce que réclament surtout à présent les chasseurs aux politiques, c’est d’être reconnus « formellement », associés à la « gouvernance de la nature » au sein d’instances telles l’Agence Française pour la Biodiversité. Mais d’expérience, ils savent aussi qu’un scrutin législatif est mieux adapté pour influer sur les candidats.

Avec AFP

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