L’impôt sur la fortune (ISF), un totem en sursis?

Crédit AFP/Archives – By DAMIEN MEYER

Critiqué par plusieurs candidats, l’impôt sur la fortune (ISF) pourrait disparaître ou être profondément remanié à l’issue de l’élection présidentielle. Un nouvel épisode dans l’histoire mouvementée de ce dispositif fiscal, perçu comme un totem à gauche et comme un épouvantail à droite.

Suppression, allègement, renforcement ou statu quo: « on est dans un contexte de forte incertitude », souligne Didier Laforge, directeur du droit fiscal au cabinet Fidal. Une situation d’autant plus marquante que « tous les candidats ne sont pas rentrés, à ce stade, dans le détail de leur projet fiscal », ajoute-t-il.

Payé par 342.000 foyers seulement, l’impôt sur la fortune, qui a rapporté à l’Etat 5,2 milliards d’euros en 2015, a donné lieu ces derniers mois à des passes d’armes vigoureuses entre les prétendants à l’Elysée. En cause: son impact réel ou supposé sur le financement des entreprises, et donc sur l’économie française.

« Pour certains, l’ISF décourage l’investissement. C’est sans doute vrai, même si on manque de données scientifiques pour l’affirmer », observe Alain Trannoy, directeur de recherches à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui rappelle par ailleurs que cet impôt « ne rapporte pas énormément ».

L’ISF est aujourd’hui acquitté par les ménages dont le patrimoine financier, mobilier et immobilier dépasse 1,3 million d’euros. Mais les contribuables assujettis peuvent bénéficier d’un plafonnement, l’impôt sur le revenu ajouté à l’ISF ne devant pas dépasser 75% des revenus, niveau jugé confiscatoire par le Conseil constitutionnel.

Plusieurs allègements ont par ailleurs été aménagés, comme l’ISF-PME, donnant droit à une réduction en cas d’investissement dans des petites et moyennes entreprises non cotées, ce qui permet à nombre de grandes fortunes de passer entre les mailles du filet. « Le taux de l’ISF est élevé mais l’assiette est trouée », insiste Alain Trannoy.

– « Rente immobilière » –

Pour plusieurs prétendants à l’Elysée, ces aménagements ne vont pas assez loin. François Fillon, candidat LR, a ainsi fait de la suppression pure et simple de l’ISF un des thèmes phares de sa campagne. Cela permettrait de « favoriser la transmission d’entreprises et l’investissement », justifie-t-il.

Emmanuel Macron souhaite pour sa part transformer l’ISF en impôt sur « la rente immobilière », en sortant de son périmètre le patrimoine mobilier, l’épargne ou les placements financiers. De quoi alléger le poids de cet impôt de 2 milliards d’euros, selon son entourage.

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) s’est engagé de son côté à de nouveaux allégements, en permettant aux contribuables de déduire sans limite leurs investissements dans des entreprises aux capitaux aux deux tiers français et au chiffre d’affaires inférieur à 100 millions d’euros.

Ces propositions ont suscité la colère à gauche, où l’on se dit attaché à cet impôt emblématique. « Pas question » de supprimer l’ISF, a ainsi fait savoir Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite même en élargir l’assiette. Une position partagée par Benoit Hamon, qui souhaite le fusionner dans un « impôt unique progressif » sur le patrimoine.

Quant à Marine Le Pen, à la différence de son père, prompt à dénoncer un impôt perçu comme « nocif », elle refuse d’abolir ce dispositif fiscal, « au vu de la situation sociale de la France ».

– Impôt « instable » –

Frein à l’investissement, gage démocratique… Ces divergences, pour Didier Laforge, sont symptomatiques des crispations qui entourent l’ISF.

« C’est un impôt qui cristallise les passions », souligne l’avocat, qui décrit un prélèvement au caractère en partie « idéologique ». « La France est un des seuls pays au monde à avoir un impôt de ce type. Les autres pays l’ont supprimé au fil du temps », ajoute-t-il.

Créé en 1982 par François Mitterrand, sous le nom d’IGF (impôt sur les grandes fortunes), l’ISF a été supprimé par Chirac en 1987, puis rétabli par Mitterrand en 1989.

Depuis cette date, il n’a cessé de subir des aménagements, sous la pression de ses supporters (qui invoquent la justice sociale) ou de ses opposants (qui l’accusent de faire fuir les riches contribuables à l’étranger).

« L’ISF est un impôt instable en raison de son caractère clivant », observe Alain Trannoy. Une instabilité qui pourrait donc se poursuivre au cours des prochains mois, même si une majorité de Français, selon un sondage Odoxa publié début mars, se disent opposés à sa suppression.

Avec AFP

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